Le rallye de Monte-Carlo 1973
Jean-Claude Andruet/"Biche"
sur leur Alpine-Renault A110 1800
L'édition 1973 du rallye de Monte-Carlo est intéressante à plus d'un titre. Il s'agit tout d'abord de la toute première manche du championnat du monde des marques nouvellement créé. Et, comme nous allons le voir, cette édition fut particulièrement disputée, et riche en rebondissements. Mais observons tout d'abord les forces en présence. A cette époque, les marques engagées en rallyes sont nombreuses, et ceci explique d'ailleurs la création d'un championnat marque, avant même que le championnat pilote n'existe. On peut citer pour la saison 1973 la présence, à des niveaux divers d'implication, de Alpine-Renault, Alfa-Romeo, BMW, Citroën, Datsun, Fiat, Ford, Lancia, Opel, Saab, ou encore Toyota. Ces équipes participeront toutes au championnat du monde 1973, qui compte treize épreuves, mais n'ont pas obligation d'aligner leurs voitures sur chacune des manches, sachant par ailleurs que seuls neuf résultats sont comptabilisés.
Face à Alpine, on trouve, entre autres, Sandro Munari sur Lancia
Fulvia HF, Timo Makinen et Hannu Mikkola sur Ford Escort RS, et Bjorn
Waldegaard et Rafaele Pinto (le champion d'Europe en titre) sur Fiat 124
Abarth.
La concentration ne représente plus un défi sportif comme cela pouvait
être le cas lors des éditions d'avant-guerre du Monte-Carlo. Cependant,
elle n'est pas sans incidence sur la suite de l'épreuve. Cette année,
la maréchaussée est particulièrement présente. Elle relève près de 170
infractions correspondant à autant d'excès de vitesse, et certains
concurrents sont même mis hors course pour n'avoir pas respecté le code
de la route (franchissement de lignes continues ou de stops)!
A la fin de la concentration, la première spéciale du Col du Corobin
donne son verdict. Et contrairement à ce que l'on pourrait penser de prime
abord, les Alpine ne commencent pas le rallye par une domination sans
partage, puisque l'on trouve en tête Munari (Lancia), suivi de Mikkola (
Ford), Makinen (Ford), Lampinen (Lancia), Waldegaard (Fiat). Derrière Bjorn
suit la première Alpine, celle d'Andruet. Mais à y regarder de plus près,
ce résultat s'explique par des conditions de routes très variables.
En effet, le déroulement de la spéciale est étalé sur quatre heures
suivant l'ordre d'arrivée des concurrents terminant la concentration.
Dès la première spéciale de l'épreuve commune, le Pont des Miolans,
les Alpine d'Andruet et de Thérier signent le meilleur temps. Le chrono
de Thérier est d'autant plus impressionnant qu'il a été handicapé par des
carburateurs givrés! Les autres Alpine suivent, seule la Ford de Mikkola
parvient à s'intercaler en troisième position. D'entrée de jeu, les Fiat
124 Abarth déçoivent et ne seront jamais dans le coup. Mikkola remporte
la deuxième spéciale du col du Perty, et Munari réussit l'exploit avec
sa Lancia de prendre la tête du rallye à l'issue de la troisième, celle
du Burzet, qui est extrêmement difficile.
La spéciale du Burzet mérite que l'on s'y attarde, car elle va connaître
l'un des nombreux scandales qui sont l'apanage du rallye de Monte-Carlo!
Comme souvent en Ardèche, ce vent glacial que l'on appelle la Burle souffle
fort et, associé à la neige, forme des congères. Les 65 premiers équipages
réussissent à passer, non sans mal. Darniche s'enlise plusieurs fois et perd beaucoup de
temps. Waaldegard avec sa Fiat lui propose de passer devant mais sort et
abandonne. Fritzinger sur Ford Capri part lui aussi à la faute. Malheureusement, son
copilote est blessé et a besoin de soins. Le rallye est neutralisé pour laisser
les secours arriver sur les lieux.
La route devient impraticable.
Plusieurs spectateurs indisciplinés et incontrôlables tentent de s'échapper
de cet enfer blanc, avec leurs propres véhicules.C'est le chaos. L'organisation
tente de faire parvenir des tracteurs afin de dégager les nombreuses automobiles
disséminées ici ou là, sans succès. Le retard s'accumule, ce qui pousse les
organisateurs... à mettre hors course les 140 équipages qui n'ont pas encore
pu disputer la spéciale! Cette décision soulève bien entendu un tollé général.
Spontanément, des exclus bloquent la route vers Digne. Afin de calmer le jeu,
les organisateurs promettent à ces infortunés concurrents de leur offrir
gratuitement leur participation pour l'édition 1974. Mais tout le monde ignore
alors que cette édition 1974 n'aura pas lieu, à cause de la crise pétrolière!
La quatrième spéciale qui se déroule sur le sec convient parfaitement aux Alpine.
Elle est remportée par Darniche, suivi d'Andruet, Andersson, Thérier, Piot et
Nicolas. Andruet prend la tête, devant Thérier, Munari, Nicolas, Mikkola et Piot.
C'est alors que l'inconcevable se produit dans la quatrième spéciale de l'épreuve
complémentaire, le deuxième passage du col du Turini: Jean-Claude est victime d'une
crevaison. Il pense avoir perdu le rallye. Désespéré, il est à deux doigts d'abandonner,
mais heureusement "Biche" l'encourage et le pousse à terminer la spéciale
avec un pneu arrière gauche à plat. Il perd ainsi 2 minutes 25 secondes ansi que la
tête du classement général. Il est désormais troisième à une minute et cinq secondes
d'Andersson, tandis que Piot, qui ne connaît pas un bon rallye (douleurs au dos
consécutives à un accident au dernier Tour de Corse, mauvais choix de pneus, ...)
signe enfin le scratch.
Mais dans le chrono suivant du col de la Couillote, Andersson fait une faute,
tape dans un mur de neige, crève deux pneus et perd près de quarante secondes,
tandis qu'Andruet et Nicolas signent le scratch avec un temps identique.
Ove n'a plus que 10 secondes d'avance sur le deuxième, Jean-Pierre Nicolas.
Andruet est remonté comme jamais, et réussit à reprendre le commandement dans
l'avant-dernière spéciale, le dernier passage dans le Turini, avec respectivement 14 et 21
petites secondes d'avance sur Andersson et Nicolas.
1. Andruet - "Biche" (Alpine-Renault A110 1800)...5h42mn04s
Au classement général, Andruet devance donc Andersson, puis suivent Nicolas,
le vaillant Mikkola, Thérier et Piot. Le triomphe de l'équipe Alpine est total,
puisque l'on trouve cinq berlinettes aux six premières places! Ce magnifique
résultat en appellera d'autres, puisque Alpine, engageant ses voitures sur huit
autres rallyes en gagnera cinq supplémentaires. Darniche gagnera le rallye du Maroc.
Jean-Pierre Nicolas s'imposera au Tour de Corse, marqué par un nouveau triplé des Alpine.
Mais le pilote le plus performant de la saison est sans conteste Jen-Luc Thérier qui
remportera lui trois rallyes: le Portugal, l'Acropole, et le Sanremo. Il aurait sans
contestation possible était couronné champion du monde des pilotes, si seulement ce titre
avait existé à l'époque. Philippe
CALLAIS Sources :
* Maurice Louche, "Le rallye de Monte-Carlo au XXe
siècle", éditions Maurice Louche, 2001 |