La genèse du rallye du Mont Blanc




L'affiche de la première édition du
rallye du Mont Blanc, alors dénommé
rallye Paris - Evian, en 1947




Dimanche 8 septembre 2002. La 54ème édition du rallye du Mont Blanc s'achève. Alors que les derniers concurrents du national passent sur le podium, je tombe sur le stand de l'ASA Mont Blanc. Mon regard est attiré par un livre édité en 1988, et qui traite de l'histoire de ce rallye. Ni une ni deux, j'en fais l'acquisition. Peu de temps après, dans le train qui me ramène sur Paris, je ne résiste pas à étudier l'ouvrage.

Et c'est ainsi que je découvris l'histoire de la genèse du rallye du Mont Blanc, sujet du présent article!

Quel est l'origine de ce rallye d'après vous? Réponse: l'eau! Ou plutôt une bouteille de ce liquide bien connue: la bouteille d'Evian!

Gros retour en arrière. 1946. Le pays se remet peu à peu de la guerre. C'est l'époque du rationnement. Afin de relancer l'activité de la ville d'Evian, dont les cures étaient fortement fréquentées avant-guerre, la famille Cruz, propriétaire des eaux du même nom que la ville, eurent l'idée de créer un rallye qui aurait été organisé par le Comité des fêtes de la ville. Or, seuls à l'époque les Automobiles Clubs étaient habilités à organiser de telles épreuves, et le projet fut abandonné.

Qu'à cela ne tienne! 1947. Le projet de l'année précédente aboutit grâce au concours de bénévoles d'Automobile Clubs locaux. L'événement est d'importance. Car à l'époque, les grandes épreuves sont très rares (le Monte Carlo par exemple ne reprendra qu'en 1949) du fait des difficultés résultantes de l'après-guerre. Il fallait notamment obtenir l'autorisation du Ministère de l'Intérieur d'organiser la compétition, mais aussi et surtout des bons d'essence, celle-ci étant rationnée, tout comme les pneumatiques! Fort de leurs relations et de leur enthousiasme, les organisateurs réussirent à franchir les obstacles, et à avoir toutes les autorisations voulues.

L'épreuve devait être de taille, principalement par son parcours. Et surtout elle devait promouvoir Evian. C'est pourquoi, pour des raisons purement commerciales, il fut choisi et imposé un Paris-Evian.

Le rallye se déroula sur deux jours, les 19 et 20 juillet 1947. Il était découpé en trois étapes. Partant en fait de Fontainebleau, les 28 concurrents engagés parcoururent des routes sans réelles difficultés jusqu'à Lyon, puis longèrent les grands lacs français (Lac du Bourget, d'Annecy et Léman), avant de rejoindre Evian après 833 km, tout en respectant une moyenne horaire imposée. Le non respect de cette moyenne entraînait des points de pénalité. A l'arrivée, les voitures étaient contrôlées, et leur mauvais état éventuel (aile enfoncée, phare en panne, ...) entraînait de nouveaux points de pénalité.

Afin d'arrêter le classement final, les 26 voitures rescapées s'affranchirent d'une épreuve de maniabilité, imposée par la station thermale, et pour cause: celle-ci consistait à suivre un tracé ou il fallait manoeuvrer, tout en évitant de toucher des bornes et... des bouteilles d'Evian disséminées ici ou là! La casse pure et simple d'une bouteille, véritable affront sacrilège, était sanctionné par deux points de pénalité!!!

L'épreuve fut remportée par Monsieur Rigodon et Madame sur Delahaye.

Le succès fut au rendez-vous. Et c'est donc fort logiquement que le Paris-Evian fut reconduit en 1948. Sauf que... Les difficultés pour organiser une compétition mécanique venaient de croître, les restrictions étant renforcées. Il devint dès lors très difficile voire impossible de se procurer du carburant, ce qui annula les épreuves de 1948 les unes après les autres.

Sans carburant, voire sans pneu, on peut difficilement faire avancer une voiture! Les organisateurs invitèrent donc gentiment les concurrents à aller s'approvisionner en Suisse ou en Haute Savoie, où il n'y avait pas de rationnement! Du coup, l'épreuve fut raccourcie à seulement 400 km, soit l'autonomie estimée d'un plein (!). Le rallye partait d'Annemasse et arrivait toujours à Evian. Malgré son titre "Paris-Evian, formule spéciale de circonstance", il ne partira plus jamais de Paris.

Pour cette édition, la difficulté monta d'un cran, car le rallye empruntait cette fois des routes de montagne plus étroites et sinueuses, et franchissait onze cols. Le système des points de pénalisation fut reconduit, avec une moyenne à respecter, sauf dans la montée Col de la Colombière où le but était de signer le meilleur temps (on était pénalisé en fonction de son écart avec le "scratch"). Cette fois, ce fut une Lancia qui s'imposa, conduite par Grobois Bebert.


En raison des restrictions, l'édition 1948 n'était
longue que de 400 km mais conservait toute
fois son appellation de "Paris-Evian".

Dès 1949, l'appellation "rallye Paris-Evian" fut supprimée au profit de "rallye d'Evian". Il évolua en "rallye d'Evian Mont Blanc" en 1950. La bouteille d'eau se retire, au profit du célèbre sommet alpin... Dès lors, le succès du Mont Blanc ne se démentira pas. Au début des années cinquante, il est déjà considéré comme l'un des plus réputés mais aussi des plus difficiles rallyes d'Europe. Et il reste l'un des plus beaux rallyes français de nos jours.


L'affiche de l'édition 1949 de l'épreuve
renommée "rallye d'Evian".


En 1950, l'épreuve devient le
"rallye Evian Mont Blanc".

 

Philippe CALLAIS
pour le Team Forum Rally-Live (2003)

 

Sources :

* Corrine Feuillat, "Rallye Mont-Blanc 1947-1987", 1988

 

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